Consultez l'Écho du hérisson (D'r Egel Echo), le bulletin annuel de la commune de Guevenatten, pour revivre le quotidien et les temps forts de notre village au fil des mois :
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Jean-Baptiste Ellerbach (1850 – 1924) est natif de Guevenatten. Il est connu des historiens, et cela particulièrement pour son important ouvrage sur la Guerre de trente ans en Alsace.
Curé à Geispitzen puis à Carspach, il a fonda en ce lieu un institut hydrothérapique (méthode Kneipp) connu sous le nom de "Sonnenberg".
La société d'histoire de la Hochkirch (Sierentz) a publié en 1987 une biographie signée de Gérard Rapp, Jean-Baptiste Ellerbach, une vie au service des Hommes.
Fils de cultivateur, il est né à Guevenatten, le 18 juin 1850. Il a fréquenté la petite école du village qui était, comme le mentionne Gérard Rapp dans sa biographie, "à l'époque, une charge importante pour la petite commune de 318 habitants". Son instituteur remarque très vite "cet enfant doué" et conseille à sa famille de le faire étudier au collège épiscopal de Lachapelle-sous-Rougemont. C'était un grand sacrifice financier pour eux, mais ils ont accepté. Durant ses études Jean-Baptiste Ellerbach ne connut que "travail, austérité, discipline", et comme unique distraction, la promenade dominicale.
Il fut ordonné prêtre en 1873 et devint curé de Geispitzen de 1885 à 1895. "Rien ne paraissait devoir interrompre le cours de ses pieux labeurs, les loisirs de J-B Ellerbach étaient remplis utilement par des recherches historiques ; il fouillait les archives des grandes villes dans le but de publier une histoire détaillée de l'Alsace pendant la guerre de Trente ans". Un jour, il fut bouleversé par les livres d'un prêtre médecin allemand, Sébastien Kneipp. Les biographes de Sébastien Kneipp rapportent qu'il naquit en Bavière en 1821. Très pauvre, il contracta la tuberculose. Un jour, il trouva par hasard un petit livre sur "la puissance curative de l'eau froide", d'un certain Dr Hahn. Il mit en pratique l'enseignement de ce dernier et obtint une guérison totale. De prêtre, il devint médecin et son altruisme le poussa à se pencher sur les "êtres souffrants". Il étudia et expérimenta cette science de l'eau et de nombreux malades, venus le voir guérirent avec succès ; Kneipp fut bientôt connu dans le monde entier.
Fasciné par l'expérience de ce prêtre médecin, J.B. Ellerbach, souffrant lui aussi d'un emphysème au poumon droit, adopta la méthode de Kneipp et guérit lui aussi. Il conseilla à d'autres les remèdes et obtint de bons résultats. "Il y avait à Geispitzen des malheureux abandonnés par les médecins" rapporte son biographe, qui estime que Jean-Baptiste Ellerbach a lancé un défi à la science.
Rosine Haby habitait Geispitzen, et était âgée de 45 ans. Gérard Rapp raconte qu'elle souffrait depuis six ans d'une paralysie des nerfs et des membres. Continuellement alitée, couverte de plaies, sa vie était une énigme eu égard au peu de nourriture qu'elle prenait, une vie humiliée dans la souffrance. L'abbé Ellerbach lui a proposa une cure d'eau. Après huit jours de soins, la malade s'asseyait dans son lit, après trois semaines, elle marchait, six semaines plus tard elle vint remercier le curé qui l'avait guérie. A l'Auberge que tenaient ses parents, elle pouvait désormais raconter la fin de sa maladie.
Joseph Rasser était lui aussi un « cas » que ses médecins avaient condamné. Il avait 20 ans et attendait l'onction des malades. La méthode curative par l'eau l'a remis sur pied, et il atteint l'âge de 91 ans.
Devenu "le Kneipp alsacien", l'abbé Ellerbach devint la cible d'attaques de la part des docteurs, auxquelles il répondait par... le silence. Cependant, il était difficile pour lui de « cumuler » la fonction de prêtre et celle de médecin. Il souhaitait se consacrer exclusivement aux malades en fondant un établissement. L'évêque finit par lui donner son accord. Il quitta Geispitzen, regretté par ses paroissiens mais "guidé par sa foi et sa volonté".
Le curé de Carspach lui apprit que le château de Sonnenberg était à vendre. Ce luxueux château au site heureux avait été édifié en 1818 par la baronne Philippine de Reinach-Hirtzbach. En 1894, J.B. Ellerbach en fit un établissement hydrothérapique suivant la méthode Kneipp, qui jouissait d'une grande réputation.
L'abbé fit aussi les démarches pour l'obtention d'une station de chemin de fer sur la ligne Altkirch-Ferrette, pour la pose d'une conduite d'eau et d'une centrale électrique.
Durant leur cure, les malades bénéficiaient d'un bureau de poste, d'un salon de coiffure, d'un bazar, d'une salle de théâtre, d'une bibliothèque, d'une chapelle ainsi que d'une imprimerie dont les bénéfices finançaient les cures pour les personnes sans ressources.
Carte postale représentant le Sonnenberg, établissement de soins par la méthode Kneipp, fondé par l'Abbé Ellerbach (début du XXe siècle)
Lorsque la guerre éclata en 1914, l'institut Sonnenberg était en plein essor. Les curistes affluaient de partout. Le village de Carspach fut évacué et le Sonnenberg du fermer ses portes. L'abbé Ellerbach du "assister impuissant, à la destruction de l'ouvrage de sa vie". Le Sonnenberg fut démoli de fond en comble le 13 avril 1915 sous le feu de l'artillerie.
En 1918, l'abbé Ellerbach revint à Carspach après quatre années de souffrances. "Il accepta la fonction de curé et fit reconstruire son cher Sonnenberg, dans un style alsacien". Gérard Rapp raconte comment, le 31 mars 1924, "Dieu rappela à lui ce bon et fidèle serviteur, qui avait su mettre au service de l'humanité souffrante sa profonde intelligence et son noble coeur, ses forces et son temps, tout son être et son génie."
Après la guerre l'établissement détruit fut reconstruit, puis transformé en école ménagère, et enfin en lycée professionnel.
L’institut Sonnenberg, où l'abbé Ellerbach guérissait par l'eau, est aujourd'hui une école privée.
Texte repris d'un article d'Annie RUNSER publié dans le journal l'Alsace du 16 avril 1999.